«Le mouvement consiste visiblement à passer d'un point à un autre, et par suite à traverser de l'espace. Or l'espace traversé est divisible à l'infini, et comme le mouvement s'applique, pour ainsi dire, le long de la ligne qu'il parcourt, il paraît solidaire de cette ligne et divisible comme elle. Ne l'a-t-il pas dessinée lui-même? N'en a-t-il pas traversé, tour à tour, les points successifs et juxtaposés? Oui sans doute, mais ces points n'ont de réalité que dans une ligne tracée, c'est-à-dire immobile; et par cela seul que vous vous représentez le mouvement, tour à tour, en ces différents points, vous l'y arrêtez nécessairement; vos positions successives ne sont, au fond, que des arrêts imaginaires. Vous substituez la trajectoire au trajet, et parce que le trajet est sous-tendu par la trajectoire, vous croyez qu'il coïncide avec elle. Mais comment un progrès coïnciderait-il avec une chose, un mouvement avec une immobilité?»


Henri Bergson, 'Matière et memoire'





No comments: